Phaéton veut savoir s’il est fils du Soleil
Dont la demeure au ciel resplendit sans pareille
Il gravit le chemin qui monte à ce palais
Lumineux plein d’éclat de feux et de reflets
Il s’approche du dieu mais s’arrête à distance
Ne pouvant soutenir son regard trop intense
Et demande de loin au maître de ces lieux
Qu’il prouve son amour paternel et radieux
En donnant à son fils permission de conduire
Les chevaux du soleil dès que le jour va luire
Jusqu’à ce qu’il s’éteigne à l’heure du couchant
L’astre dieu qui rayonne hésite en s’approchant
– Après avoir ôté sa couronne de flamme –
A prononcer l’accord que son fils lui réclame
Puis il cède et dit oui mais il craint le destin
Si Phaéton se montre un pilote incertain
L’aurige trop léger dès l’effort matinal
Fait craindre une déroute en phase terminale
Son char monte la pente escarpée du début
Tiré par des chevaux déjà presque fourbus
D’avoir dû la gravir livrés à leur humeur
Sans avoir bien senti la main du conducteur
Puis il faut traverser dans les hennissements
Les signes du zodiaque un bestiaire inclément
Les cornes du Taureau la mâchoire du Lion
Doivent être esquivées scorpion
Phaéton ne sait plus comment tirer les rênes
Tantôt il monte au ciel tantôt il plonge et freine
Ses gestes sont rythmés par sa tachycardie
Il allume au passage un immense incendie
Son errance fantasque est proche du désastre
Entre la terre basse et le lointain des astres
Alors pour leur salut tous prient Zeus roi des cieux
De foudroyer ce fou son char et son essieu
L’aventure finit par des pleurs élégiaques
Après avoir atteint les confins du zodiaque
Tandis qu’au temps du déluge, le monde a été dominé par l’eau, lors de l’aventure de Phaéton il a été soumis au feu. L’eau et le feu sont les deux éléments naturels dans lesquels les humains ne peuvent pas vivre, à la différence de la terre et de l’air qui leur sont davantage propices, même si, de nos jours, c’est l’air qui nous menace le plus par l’oxyde de carbone invisible dans l’atmosphère. Phaéton va être victime de sa prétention, comme le lui dit d’emblée le Soleil : « Ton destin est d’un mortel, ton ambition d’un immortel. Et encore il n’est pas permis aux dieux d’obéir un tel honneur [conduire le char du soleil] ; dans ton inconscience, tu dépasses leurs prétentions ; que chacun d’eux soit fier de sa puissance, j’y consens ; mais aucun ne peut se tenir sur le char qui porte la flamme, excepté moi. Même le souverain du vaste Olympe, dont la main terrible lance la foudre sauvage, ne conduira jamais mon char ; pourtant qu’ai-je de plus grand que Jupiter ? » (Ovide, Les Métamorphoses, II, vers 1-366). Ce passage fait ressortir des incohérences mythologiques, la première étant celle d’une double hiérarchie divine : la hiérarchie des dieux à visage humain, au sommet de laquelle se trouve Zeus-Jupiter, mais aussi la hiérarchie des dieux en tant que puissances naturelles, au sommet de laquelle se trouve le Soleil. Autre incohérence de la mythologie, un immortel peut y être le père d’un mortel. En l’occurrence le soleil immortel est le père du mortel Phaéton, induit en erreur par la logique humaine qui le pousse à se croire capable de tout faire comme son père.Les Naïades de l’Hespérie (située au couchant) ont déposé dans un tombeau son corps consumé par la flamme « aux trois dards », et elles ont inscrit sur la pierre : « Ci-gît Phaéton, conducteur du char de son père. S’il n’a pas réussi à le gouverner, du moins il est tombé victime d’une noble audace » (Ovide, Les Métamorphoses, II, vers 327-328).
Dominique Thiébaut Lemaire