A Paris cette année le froid garde la neige
Et pendant quelques jours impose le bonnet
Le piéton pour sortir porte double lainage
C’est un temps qui renvoie aux anciens almanachs
Sous un flocage blanc les marronniers se changent
En arbres de Noël on n’entend plus le chant
Des oiseaux dans le parc mais des envies de luge
Excitent les enfants regardant les talus
Les grilles sont fermées sur leur désir de glisse
Attention le flocon par terre devient glace
Les rues sont menacées d’un reluisant verglas
Le conducteur léger dans la pente ou la rampe
Sans pneus d’hiver patine étourdiment dérape
Et dans l’embouteillage il est fait comme un rat
La neige fraîche et veloutée de cette semaine a commencé par être un plaisir pour les enfants, les touristes et les Parisiens qui ont le temps d’avoir une pensée esthétique. Elle a surligné de blanc givré le branchage des marronniers en accentuant leur apparence ébouriffée. Mais au sol elle est vite devenue de la gadoue, mot qui, d’après le dictionnaire Robert, signifie au Canada « neige fondante et salie ». Pas seulement au Canada. La tour Eiffel trop glissante a été fermée. Quand le froid est revenu, le soir et la nuit, la gadoue a durci et gelé au point de faire obstacle à la marche. Les camions ont été interdits. Les boulevards et avenues sont restés dégagés non pas grâce aux chasse-neige, mais grâce au passage ordinaire des voitures roulant sur une épaisseur de dix ou vingt centimètres de flocons malaxés par les pneus. Pour les piétons, la ville a prévu des bacs de sel, avec une notice disant en substance aux habitants du quartier qu’ils se débrouillent. On sent qu’elle parie sur l’ordinaire bonté du ciel pour faire l’économie d’équipements hivernaux.
Dominique Thiébaut Lemaire