Lorsque le Président demande d’applaudir
Le Chanteur mort la foule émue fait ce qu’il dit
Rend hommage au défunt rallie son étendard
Pour la gloire posthume est-ce un bon candidat
Le cercueil blanc rejoint une île à milliardaires
Il emporte le corps de Johnny Hallyday
Le peuple n’ira pas – vieux motards et faux durs –
L’accompagner là-bas dans un exil perdu
Un paradis fiscal où le chanteur fraudeur
Qui gagnait dépensait flambait comme pas deux
Pensait être à l’abri des redditions de comptes
Il était de ces stars que leur public adore
Idole pour toujours de ces anciens ados
Qui cherchent leur jeunesse et qui se la racontent
Je me suis toujours étonné de la gloire de Johnny Hallyday, rockeur « idole des jeunes » dans les années 1960 bien qu’il n’ait pas été, sauf exception, l’auteur de ses textes ni de ses musiques, contrairement à beaucoup de chanteurs musiciens ou paroliers ou les deux. Il a misé sur l’adaptation et l’interprétation, sur sa voix devenue rauque avec le temps et sur le spectacle de ses concerts qui en mettaient plein les oreilles et les yeux à force de sono et de lumières. Il est mort dans la nuit du 6 décembre 2017 à l’âge de 74 ans, et les pouvoirs publics se sont mobilisés (président de la République, présidents des deux assemblées, premier ministre…) pour lui rendre hommage à la Madeleine, église des artistes de variétés, dans l’espoir de capter à leur profit une part de son étonnante popularité, au risque de contrevenir au principe de séparation entre l’Église et l’État. Ensuite il a été inhumé en présence de ses proches dans le blanc cimetière de l’île caribéenne de Saint-Barthélémy, paradis fiscal cossu mais exposé aux cyclones, au-dessus duquel tournoyait au moment de la cérémonie une frégate, grand oiseau de mer. Il ne portait pas dans son cœur l’administration des impôts : ses démêlés avec celle-ci ont abouti à de lourdes amendes, à des condamnations pour fraude, et ont motivé une bougeotte passant par des lieux fiscalement plus cléments que la France métropolitaine : la Californie ; la Suisse où il n’a pas respecté l’obligation fiscale de résidence pendant au moins la moitié de l’année ; in fine Saint-Barth, territoire français dont on voudrait bien savoir pourquoi la France y maintient, pour les résidents ayant au moins cinq ans de présence, un régime caractérisé par l’absence de TVA, d’impôt sur la fortune, d’impôt sur le revenu, de droits de succession. Fisc mis à part, Johnny s’était fait le chantre de la passion à laquelle doit son titre l’album De l’amour qu’il a sorti fin 2015.
Dominique Thiébaut Lemaire