En cette fin d’été prolifèrent les mouches
Au grenier leur nuée bourdonne de remous
Mais beaucoup sont tombées sur le sol qu’elles jonchent
Tandis que sur le toit roucoulent des pigeons
Elles sont un produit des colonies de vaches
Parsemant ce pays de bocage et calva
Dans la ferme à côté des ruminantes crèchent
Une stabulation presque dans le secret
Dans l’espace des prés s’exercent des pouliches
Où sinueusement le ruisseau fait son lit
Soudain s’en vont sans cavalier qui les chevauche
Regardées d’un œil rond par des broutards ou veaux
Mainte abeille affairée d’on ne sait quelle ruche
Vient butiner les fleurs qui n’ont pas disparu
Le chant du coq résonne et les oiseaux des branches
Laissent dans mes pensées des ramages vibrants
A la campagne, on finit par ne plus percevoir l’agitation des animaux ni leurs bruits. A l’aurore on oublie le coq, celui de La Fontaine dont il est question dans la fable de « La vieille et les deux servantes » : « Maudit coq, tu mourras ! » De même qu’on n’est plus réveillé par les volées de cloches à sept heures du matin le dimanche. Si l’on y prête attention de nouveau, tout un monde visuel et sonore réapparaît, où l’homme peut avoir alors la sensation et le sentiment d’être assailli par la rumeur et même le brouhaha de tant de vies diverses autour de lui, au point de ne plus s’entendre lui-même. Ces vies sont pour une bonne part le produit de l’activité humaine, c’est-à-dire de la « domestication » des animaux : mammifères bien sûr, chats, chiens, cochons, ânes, moutons, chevaux, vaches (grosses productrices de lait, de viande et de méthane), mais aussi oiseaux, insectes – à six pattes – tels que la mouche, « musca domestica » (on parle de sa relation de commensalisme étroit avec l’homme), et même araignées – à huit pattes – très présentes dans les maisons, par exemple la « tegenaria domestica ». Au bout du compte, la nature animale qui nous environne est, comme la nature végétale, une culture.
Dominique Thiébaut Lemaire