Afghans en France: exil et droit d’asile. Auteur: Lucienne Collet

Jeunes exilés : déshérence et  promesses de réussite

 

Par petits groupes, ils fréquentent régulièrement le centre d’accueil  (Camres) qui les aide  dans leurs démarches administratives, ou le centre de soins de Médecins sans frontières  (MSF).

Ces jeunes Afghans âgés de 20 à 30 ans venus seuls, sans famille (ce qui n’est pas le cas  de bon nombre d’autres exilés), ont besoin d’être ensemble et de se retrouver entre compatriotes. Pour la plupart d’entre eux, ils sont à la rue depuis des mois. Certains espèrent encore obtenir des papiers, d’autres rêvent d’un accueil plus hospitalier dans les pays scandinaves – en Norvège notamment. Si la question du retour dans leur pays se pose pour certains, beaucoup sont déterminés à rester en France et à apprendre la langue, étape incontournable de leur insertion. Ceux qui y parviennent le font dans un grand désir de communiquer et de comprendre ce pays si éloigné de leurs habitudes culturelles, et envers qui ils éprouvent de la  reconnaissance. Leur conduite est à bien des égards exemplaire dans  le souci qu’ils manifestent d’aider les leurs et les autres exclus.

La rue n’en est pas moins un lieu de menaces,  les exposant  aux pathologies récurrentes  du froid et aux contaminations parasitaires du manque d’hygiène, comme la gale. Leur bonne santé quand ils arrivent se dégrade peu à peu. Comme le souligne le responsable du centre MSF, ils ont plus que d’autres besoin d’une écoute ouverte pour des maux bénins: rhumes et  atteintes de la peau – dernière  barrière peut-être contre les agressions du monde extérieur – sont les affections les plus fréquentes.

Le plus grave au fil du temps est leur dégradation psychique et mentale, préoccupante. Le manque de repères dans un environnement aussi difficile  s’accompagne de troubles allant de  l’angoisse due à l’isolement, à l’incertitude des choix, aux violences subies – le plus souvent cause de leur départ  (guerre, conflits ethniques, politiques, religieux ou familiaux, pressions terroristes) – auxquelles s’ajoutent les souffrances endurées pendant leur voyage,  jusqu’à conduire certains à la frontière du suicide. Tous ont en commun de n’avoir rien connu d’autre que la guerre, l’absence de scolarisation pour la plupart et même  plus simplement d’éducation par la famille. La violence parfois extrême contre eux-mêmes mais aussi contre les autres est l’expression de ce désespoir insoutenable.

Mais la décision du retour en Afghanistan qui tente certains, ils sont de plus en plus nombreux à l’envisager, vient briser comme un effondrement le rêve d’une vie meilleure dont ils ont côtoyé le mirage dans nos sociétés de consommation. Ce retour en arrière scelle un constat d’échec sous le signe de la honte et aggravé d’une lourde dette à rembourser.  De surcroît, la liste d’attente pour repartir s’allonge et les délais là aussi peuvent prendre plusieurs mois. La spirale du désespoir est sans fin.

On ne saurait toutefois passer sous silence la force morale souvent  exceptionnelle  dont certains font preuve et qui leur permet  de saisir les chances du succès.

Z* par exemple a quitté ses montagnes arides où le blé se coupe encore à la faucille, et où il a dès l’enfance ramassé des « cailloux noirs » (entendons le travail dans la mine de charbon) sans avoir jamais été scolarisé. Après un premier arrêt en Grèce où il a travaillé clandestinement à la cueillette des oranges et des olives, il parvient en France en 2006 où il est arrêté, placé en rétention à Vincennes et renvoyé en  Grèce. Puis la France de nouveau et la galère de la rue, et enfin des papiers.
Premier emploi comme déménageur, puis embauche à mi-temps d’abord chez Emmaüs pour faire ses preuves, les assistantes sociales lui  trouvent des cours de français qui  débouchent sur un stage pratique de rénovation d’appartement. La qualité de son travail lui vaut une prime et une promesse d’embauche. Le contrat doit être signé début 2012, s’accompagnant  d’un apprentissage en électricité dans un  CFA  dès septembre.
Pari gagné.

Il n’est pas le seul Afghan dont la rectitude au travail est reconnue et appréciée.
Tel autre, X*, est maintenant peintre professionnel en bâtiment, employé  dans le cadre des Monuments Historiques à la restauration de la Cathédrale de Chartres.

Ces cas ne sont  pas les seuls, et des parcours aussi positifs ont été possibles, il faut le souligner, grâce à l’obtention du statut de réfugié (dans des délais souvent très longs et imprévisibles), grâce au soutien d’ONG et aux rencontres chaleureuses avec des personnes pour qui l’étranger est d’abord un semblable.

 

Lucienne Collet

3 réflexions au sujet de « Afghans en France: exil et droit d’asile. Auteur: Lucienne Collet »

  1. J’ai été très impressionnée de trouver ce site. Merci pour cette analyse! J’ai vraiment aimé votre article et je vous mémorise dans mes marques pages pour gueter vos futures publications.

  2. J’ai malheureusement la tristesse de vous annoncer que Lucienne est décédée le 4 août 2012 vers 22h.

  3. Moi, ça fait 5 ans que je suis en France, je suis toujours a l’école mais je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas le droit d’avoir des papiers ; si je ne les ai pas, je vais devenir fou, je te jure que c’est vrai.