Elle pleure des papillons, spectacle musical donné par l’ensemble vocal Antoine Geoffroy Dechaume, quintette a capella, le 15 juin 2013, au théâtre Pixel à Paris.
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L’éventail qu’on m’a donné à l’entrée ne semble pas superflu pour affronter la chaleur qui règne dans ce petit théâtre du XVIIIe arrondissement, mais bientôt je suis prise par la poésie du spectacle.
Le quintette est déjà sur scène. C’est un quintette féminin. Maria-Carla Cialone, musicienne, mène discrètement le groupe des quatre autres chanteuses, Claude Palacios sa partenaire dans les duos de la Libelle Amoureuse, Michèle Cugnier, Françoise Delattre, Danielle Siramy. Leur mise évoque les personnages des livres de chansons illustrés par Boutet de Monvel, avec le rose indien pour couleur dominante. Les mimiques et la gestuelle, accentuées par le maquillage et par une lumière contrastée, offrent des tableaux de style parfois naïf, parfois préraphaélite, avec les couronnes de fleurs.
Tout autour de la scène, des instruments de musique du monde jonchent coussins, tables basses et étoffes. Certains sont accrochés aux murs noirs. Pourtant aucun instrument de musique pour accompagner les chants, sauf lors des intermèdes où les chanteuses font toutes sortes de jeux sonores et même improvisent avec le public un concert à partir d’instruments rudimentaires.
Le spectacle d’une heure se déroule d’une seule traite, alternant chansons populaires et traditionnelles, canons, mélodies du monde, fredonnements et ambiances instrumentales. A un moment donné, l’une des chanteuses, Claude Palacios, ressort de derrière un paravent vêtue d’une tenue de prince oriental, bleu et or. Elle récite un long poème d’Yves Bonnefoy qu’accompagne la crépitation de la pluie, née de simples plastiques froissés. La récitation poétique apparaît ici comme variation du chant. Expérience renouvelée avec un poème d’Apollinaire : C’est le printemps viens-t’en Pâquette/Te promener au bois joli.
La tonalité d’ensemble est la gaieté, la légèreté, la recherche de l’harmonie. La facilité apparente est due au travail sur la respiration, le souffle et le silence. Dans tel chant révolutionnaire, la vivacité devient rebelle. Deux ou trois duos sont très applaudis: la voix de chacune y est mise en valeur, en particulier dans La Reine de cœur de Poulenc, sur un poème de Maurice Carême. On regretterait presque que les canons atténuent la singularité des voix. Le répertoire de chants remontant jusqu’à la Renaissance nous plonge dans un univers de paroles de chansons populaires ou savantes.
Antoine Geoffroy Dechaume, « saint patron » du quintette, est un musicien qui a contribué au XX° siècle à la redécouverte des musiques anciennes du XV° au XVIII° siècle. « Les plus humbles comme les plus grands chefs, selon Carla Cialone, chanteurs, instrumentistes, facteurs d’instruments, danseurs, chercheurs sont tous venus de par le monde suivre ses enseignements. Son accueil était d’une grande générosité et il témoignait autant d’attention aux plus simples novices qu’aux plus prestigieux professionnels ».
Elles pleurent des papillons. Poésie et magie. Avec rien, avec le souffle, la voix de chacune, avec des mots simples et anciens, de la gaieté et un grand souci d’accorder les tonalités et les registres de chacune. Le travail de création n’apparaît pas mais explique les performances obtenues.
Un beau moment de plaisir partagé.
Le prochain spectacle est prévu en octobre 2013.