Elisabeth Rochlin, l’une des traductrices des Adages d’Erasme (voir l’article de Libres Feuillets à ce sujet), a publié sous le nom d’Elisabeth Fiebig-Bétuel plusieurs recueils dont sont extraits les poèmes suivants.
Eveil
Dans Est-ce vers l’étoile Hölderlin ? Les Editions des Prouvaires, Paris, 1982
Les couleurs de ma vie ont baigné dans tes yeux
Nimbes de flamme arcs-en-ciel de ferveur
Ferment d’étoile aurore pour ardeur
Les couleurs de ma vie ont trempé dans ton cœur
Les parfums de ma vie ont vogué dans ton âme
Ambre du rêve encensoir de candeur
Rayonnement parangon des saveurs
Les parfums de ma vie ont dansé sous tes pas
Les murs de mon silence ont frémi à ta voix
Amour du monde et charmille des rythmes
Jaillissement firmament des musiques
L’univers a surgi au plain-chant de tes bras
Dans nos mains ont vibré les sursauts de nos joies
Chair du délire et sourire des heures
Eclat de vivre extase sur mémoire
Dans tes yeux ont fondu les contours de mon coeur
Nuit
Dans Hauts parages des multitudes, Editions ARCAM, 40 rue de Bretagne, Paris 1983
Le froid renaît où tu me quittes
Quand la nuit lève son manteau
Soleil sur le doux de la chambre
Surgi dans le bleu du tableau
Passent tes mains au fil de l’ombre
Miroirs d’où ma forme jaillit
Aux flancs de la jarre du monde
Là où l’eau sourdement s’enfuit
Prélude-moi pour l’espérance
Gîte pour le rêve assoupi
S’éploie la force du sensible
Sur les collines des vertiges
Enserre-moi proie du délire
Ame sous la griffe et la dent
Ailes battant vers la lumière
Fièvre aux lointains inassouvie
Un goût de ciel et de silence
Au sommeil emmêlé s’étreint
Le vrai dans les mailles des mots
Guette l’ornière du destin
L’être cueille au rite des doubles
L’invite du drame et du chant
Naisse l’étoile matutine
Du cri commencement de l’homme
Portrait d’une lune dans l’eau (treize reflets en forme de haïkus), Editions ARCAM, Paris, 1985
Estampe de Lune
Ta paume cisèle un fruit
De vague et d’attente
La rumeur de l’être
Et du chant sur ton visage
Chaque doigt s’attarde
Le brouillard s’effrange
Où voyage l’irréel
Halo sur l’amer
L’éternel m’entraîne
Au-delà du temps des eaux
Le regard dérive
Quelques mots de la rédaction de Libres Feuillets
Le premier poème cité ci-dessus, « Eveil », fait un usage à la fois chantant et grave du décasyllabe 4+6, accompagné d’alexandrins qui servent de refrains, et qui mettent en valeur, à la fin de chacun d’eux, une esquisse de « blasons »: tes yeux, ton cœur, ton âme, tes pas, ta voix, tes bras, nos joies, mon cœur.
Le second poème, « Nuit », en octosyllabes, commence par un vers qu’on pourrait considérer comme un « don de l’inspiration » : « Le froid renaît où tu me quittes », et s’achève par le cri qui peut être à la fois celui de l’amour et de la naissance.
Parmi plusieurs autres poèmes, on citera dans Est-ce vers l’étoile Hölderlin ? le poème intitulé « Comptine » où l’on voit que, dans un beau mouvement,
« Jeune Seigneur Ting ébroue seul le duvet
Du brouillard qui lui naît aux épaules »,
ou encore le poème « Donneur de vie » et sa deuxième strophe, où la pierre attend de prendre vie:
« Sans toi je fus la pierre où ne prend pas le feu
Que l’eau n’arrondit pas que n’attend pas la fronde
La brume du passé où la peur environne
Sur la mer le caillou qui ne rebondit pas ».
On citera aussi, dans Hauts parages des multitudes, le poème (principalement en alexandrins) intitulé « Nova », composé de dix strophes de six vers, dont le dernier vers succédant chaque fois à un octosyllabe est particulièrement bien venu, en particulier :
– « Plus rien n’est disloqué entre le monde et moi »
– « A tant d’heures d’amour de toi
« Plongeant d’un ciel moins lourd vers la terre des dieux »
– « L’espérance de fièvre et l’amour d’être aimé »
– « Ton corps brasier tordu aux sarments du poème »
– « Lumière libérée dans l’espace ébloui ».
Dans le même recueil, « Volte » chante également l’amour:
– « Dans le grisant du lit tu règnes »
– « Dors ta prunelle étreint le vide »,
et se termine par une sorte de maxime à la fois sobre et proclamée :
« L’amour est la vision du monde »
Ces recueils d’Elisabeth Fiebig-Betuel nous font entendre une poésie fervente dans laquelle l’auteur unit à la sincérité la maîtrise des vers.
Libres Feuillets
Bonjour. Mon mari et moi avons organisé des concerts pour Una Ramos dans les années 75 à 80. Après notre nombreuse famille ne nous en a plus laissé le loisir. Il est resté lié avec nous, nous donnant des coups de fil, s’intéressant à nos enfants, tous musiciens. J’envoie ce petit mot comme une bouteille à la mer pour vous adresser nos condoléances tardives. Respectueusement
Gérard et Christiane de Strasbourg
Merci de votre message, et je vous souhaite beaucoup de joie dans votre musicalité familiale dont j’ai souvent entendu parler.
Bien à vous, Elisabeth Rochlin