Les Citadelles : revue/anthologie de poésie n° 22 (2017)

Le numéro 22 des Citadelles, revue/anthologie annuelle de poésie, a paru au deuxième trimestre 2017.

Le lecteur est invité à se reporter à l’article de Wikipédia intitulé Les Citadelles, qui fait le point sur plus de vingt ans d’existence consacrés à l’amour de la poésie, un amour qui embrasse un vaste cercle d’auteurs, de langues et de pays.

L’article de Wikipédia inclut les apports du numéro 22, caractérisé notamment par  son ouverture à l’Afrique et à la francophonie. Le sommaire reproduit ci-dessous en témoigne.

 

Libres Feuillets

 

IMG_20170930_0001.Citadelles.2017.R

 

IMG_20170930_0001.Citadelles.2017.V

Les Citadelles : revue de poésie n° 21 (2016)

Le numéro 21 de la revue annuelle de poésie Les Citadelles est paru en avril.

Les Citadelles. 2016. N° 21

Les Citadelles. N° 21. VersoCorrespondance et commandes à adresser à Philippe Démeron, 85 rue de Turbigo, 75003 Paris.

Libres Feuillets a rendu compte des précédents numéros dans plusieurs articles :
–  Les Citadelles: revue de poésie numéro 20, publié le 21 mai 2015 ;
–  La revue de poésie Les Citadelles numéro dix-neuf (2014), publié le 3 avril 2014. qui contient un rappel des numéros de 2012 et de 2013 ;
–  La revue de poésie Les Citadelles numéro seize (2011), publié le 19 novembre 2011.

 

Le premier texte du présent numéro, celui de Christophe Manon, fait penser au romancier Claude Simon, prix Nobel de littérature, pour le sujet et pour le style. Il incite à réfléchir aux correspondances possibles entre la poésie et le roman.

Comme les précédentes, cette livraison de 2016 permet de découvrir des poètes (s’exprimant en français bien sûr, mais aussi en anglais, en catalan, en italien), et d’approfondir la connaissance de ceux que la revue nous a déjà fait découvrir antérieurement.
On notera un long poème de l’irlandais Derek Mahon, du genre « monologue récitatif » (décrivant vingt-quatre heures de la vie de l’auteur parcourant la ville portuaire où il habite : « Prends ta canne et va-t’en flâner sur le chemin », s’est-il dit), avec une préface de Jacques Chuto qui a traduit cette oeuvre en alexandrins, peut-être parce que le poète lui-même a incorporé à son texte un alexandrin de Mallarmé : « La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres ! », c’est-à-dire en anglais : « The flesh is weary and I have read the books ». Derek Mahon n’est pas un inconnu pour les lecteurs de la revue, il figurait déjà au sommaire des numéros seize (2011) et dix-neuf (2014) notamment. Toujours en ce qui concerne la poésie irlandaise, la partie « magazine » à la fin de la revue présente en version bilingue un poème politique de Yeats intitulé ‘Pâques 1916″, au sujet d’un soulèvement contre la domination britannique il y a cent ans.
Un « cahier italien » regroupe les textes de onze poètes – souvent membres de l’Aleph, association de poésie fondée par Luigi Celi et Giulia Perroni à Rome – dont les noms sont énumérés dans le sommaire reproduit ci-dessus, et dont plusieurs ont apporté leur contribution aux Citadelles au cours des années précédentes. Voici quelques citations, choisies au hasard de la lecture :
–  Lucianna Argentino : « elle (l’encre) fertilise la feuille / elle met des anses à l’anxiété / fait ressortir le vide des bords / aux rebords elle demande le vertige / pour sauter dans le plein de la vie » ;
–  Tina Emiliani : « Dans mes rêves il avait de larges épaules / où m’appuyer dans les moments de brume / mais presque toujours c’était moi l’oreiller  » ;
–  Francesco Lioce : fragment d’un poème intitulé « L’attente  » : « Robe de chambre bien ajustée, / cheveux qui de sommeil  / embaument encore, / La femme aux vases verse / De l’eau, parle aux fleurs, / s’occupe des hirondelles. »
Dans la rubrique « Poètes pour nos jours », on trouve des textes des fondateurs de la revue, Philippe Démeron et Roger Lecomte. Un poème en prose de Philippe Démeron, ayant pour thème « La matière », retient d’emblée l’attention par une comparaison-métaphore évoquant les plaques photographiques sur lesquelles les objets matériels ont eu le temps de s’imprimer, alors que l’image des personnages n’a pu s’y fixer au passage. Ce texte se poursuit par des strophes de quelques lignes sur les sensations que nous donne la matière, y compris la matière vivante de notre corps ou du corps de l’autre, senti par le poids, le mouvement, le toucher. Il pose une question entre physique et poésie, celle de savoir si nous sommes faits de la même matière que les objets les plus lointains de l’astronomie. Un poème de Roger Lecomte, en hexasyllabes, octosyllabes et alexandrins, dont les diverses longueurs sont bien agencées entre elles, fait entendre ses harmonies dans un registre plus sombre que d’ordinaire, caractérisé par une sorte d’angoisse que le poète appelle « angoisse brumaire ».
A la fin de la revue, comme d’habitude, un « Magazine » et de « Brèves chroniques » expriment, sous la plume, cette année, de Philippe Démeron, de Denis Hamel et de Martin Muze (un double de Philippe Démeron), les appréciations d’une critique littéraire sympathique, c’est-à-dire amicale et agréable, ce qui peut être considéré comme l’une des conditions de la justesse. Dans les « Brèves chroniques » de 2016 sont présentés (souvent avec des citations) les ouvrages récents publiés par plusieurs auteurs figurant au sommaire de cette année : Marie-Anne Bruch et sa mélancolie : « Les sièges vides / face à moi / me tenaient compagnie » (Ecrits la nuit) ; Jean Pichet et son rayonnement intérieur : « Les bruyères resplendissent / De savoir que tu les aimes » (Une poignée de feuilles) ; Henri Le Guen qui cite René Char et combine différentes sortes de vers libres pour exprimer la présence des éléments naturels (L’Offrande des ciels) ; Dominique Thiébaut Lemaire et la « ligne claire » de sa poésie qui, sans craindre d’évoquer l’actualité apparemment prosaïque, « réinsère le monde dans l’enchantement » (De jour en jour) ; Sydney Simonneau, qui, dans une langue lyrique, se souvient de Sartrouville où il a vécu plus de quarante ans avant d’aller habiter dans le sud-ouest de la France (Sartrouville, l’envol d’une île). Armelle Leclercq, présente en 2015, ne figure pas au sommaire de 2016, mais les « Brèves chroniques » rendent compte de ses dernières publications, dont un livre de poésie sur le Japon (Les Equinoxiales).

Libres Feuillets

La revue de poésie Les Citadelles numéro dix-neuf (2014). Par Dominique Thiébaut Lemaire

La revue de poésie Les Citadelles 2014 est parue (voir aussi l’article de Libres Feuillets intitulé : Les Citadelles : revue de poésie numéro 20).
Ainsi se poursuit la belle aventure de cette revue fondée en 1996 par Philippe Démeron et par Roger Lecomte (auquel est consacré un article de Libres Feuillets publié le 7 juillet 2013, intitulé  » Roger Lecomte, auteur de Mémoires d’asphalte, recueil de poèmes  » ).

 

Commandes et correspondance à adresser à
Philippe Démeron (Les Citadelles) 85 rue de Turbigo 75003 Paris

 

QUELQUES MOTS SUR LE NUMERO DE 2014

 Lorsqu’on se propose de rendre compte d’un nouveau numéro des Citadelles, on se sent comme d’habitude un peu dépassé face à la richesse de ce qu’il apporte.

Le numéro de 2014 se caractérise comme les précédents par un esprit de découverte qui permet au lecteur de faire connaissance avec de nombreux poètes d’autres pays, grâce à un remarquable effort de recherche et de traduction.
Le monde entier est présent, avec des poètes s’exprimant en yiddish; en anglais (Angleterre et Irlande); en italien (y compris en napolitain); en espagnol (Mexique).

En 2014, les poètes que Les Citadelles mettent à l’honneur sont principalement les Italiens (six poètes au total), en particulier Arnaldo Zambardi, en tête du numéro, et Eliana Debora Langiu. Dans la rubrique intitulée « Brèves Chroniques », Philippe Démeron explique p.161 comment ceux qui se retrouvent cette année dans la revue se sont réunis à Rome en juin 2013.

Les poèmes en langue étrangère sont présentés généralement en version bilingue, ce qui est particulièrement bien venu en poésie où le passage d’une langue à l’autre entraîne une déperdition plus forte que pour les autres genres littéraires.
Nombre de problèmes posés par cette déperdition se résument dans l’expression « belle infidèle » que l’on utilise pour caractériser une traduction trop libre.
Cette expression ne s’applique pas, par exemple, à la traduction par Jacques Chuto des textes du poète irlandais Derek Mahon dans le numéro 19 des Citadelles. Mais on y trouve néanmoins une sorte d’infidélité qui conduit le lecteur à s’interroger lorsqu’à plusieurs reprises  l’ordre des mots est inversé par rapport au texte original (« dikes and bikes » dans le poème « Ses énergies radieuses »; « from onshore and offshore » dans le poème « Vents et vagues », et « into a clean and infinite/source of power and light » dans le même poème;  » higher and lower levels » dans le poème « Etoile et sable »…) Par ailleurs, dans un ensemble agréable à lire, le sens et l’euphonie laissent au lecteur un peu d’insatisfaction (« serial rebirth » traduit par « renaissances sérielles », avec plusieurs  san, se, sé qui se suivent; « old night » traduit par « ancienne nuit », avec un redoublement ne-nuit; et, dans l’un et l’autre cas, une interrogation sur le sort du e dit « muet »…)

Puisque nous en sommes à des réflexions de critique littéraire, exprimons aussi, pour ce qui est de Derek Mahon lui-même, un doute sur le procédé peut-être humoristique – dans un sujet moderne sur les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les kilowattheures –  consistant à apostropher la « nature  » comme l’aurait fait un poète de la première moitié du XIXe siècle, avec des invocations au soleil (glorieux soleil, envoie-nous chaleur et lumière), à Gaia (noble Gaïa, tu as tant fait pour nous), au vent (souffle, vent, et saisis les pales qui luisent)…

En ce qui concerne les autres poèmes de la revue, deux textes en yiddish (traduits par Henri Lewi) font suite à des poèmes écrits dans cette langue et publiés dans le numéro de 2013, avec le même traducteur. L’un de ces poèmes évoque les dégâts causés par un obus allemand de la « Grosse Bertha » dans le quartier parisien de Belleville à la fin de la guerre  de 1914-1918.

Le millésime 2014 de Philippe Démeron poète est vigoureux et triste : « La route s’inverse nous marchons tête en bas sur/un papier tue-mouche » (La route) ; « Il fait plus froid qu’avant dans les cafés » (Grand hyver) ; le dictateur « dit qu’il regrette, il veut rembourser et ressusciter les morts » (Que faire?).

A l’occasion du centenaire du déclenchement de 1914-1918, de beaux poèmes d’Armelle Leclercq évoquent cette guerre qui « ne se déroulait pas en filtre bleu, ni marron ».

Sur un ton beaucoup moins grave, Pedro Sin Cerebro (Mexique) définit la jalousie:
« Qu’est-ce que la jalousie?
« Des poils sur la langue
« arrachés un à un
« jusqu’à la minutieuse calvitie
« d’un pénis amoureux ».

Les « Brèves chroniques », à la fin de la revue, nous entretiennent de sujets divers relatifs à la poésie, sous la plume de Philippe Démeron et d’Armelle Leclercq, avec notamment des comptes rendus de livres, de revues…

RAPPEL DES NUMEROS  DE 2012 ET 2013

Le numéro de 2012

En 2012, le poète à l’honneur a été Kenneth White, avec un court « manifeste » (« Le grand champ de la géopoétique »), et des poèmes intitulés « Chant de chamane » (la mer des Tchouktches), « Novembre » (la baie de Lannion), « Méditation méditerranéenne » (San Remo).

 La rubrique de la revue intitulée « Poètes pour nos jours » donne à lire des poètes français contemporains. Dans le numéro 17 de 2012, il s’agit d’une vingtaine d’auteurs dont beaucoup contribuent de manière régulière à la revue.
L’un des poèmes (dont l’auteur est François Coudray) est accompagné d’une partition musicale (de Matthieu Lemennicier).

Les poèmes en langue étrangère sont ceux du poète cubain José Lezama Lima (1910-1976) et de la rubrique intitulée « D’Europe/D’Amérique latine ».
Il convient de noter l’important effort de traduction qui est pour une large part celui de Philippe Démeron (anglais, espagnol, italien), notamment en association avec Anne Sophie Lecharme et Gilbert D’Alto pour l’anglais (Montague) et Mauricio Hernandez pour l’espagnol, et avec la participation de Jean-Paul Buttoudin et Cheryl Kanzler pour l’anglais (Rod Mengham) et de Sergio Birga pour l’italien…

Comme les années précédentes, la revue témoigne d’un intérêt marqué pour les poètes irlandais, mais aussi écossais et anglais (Ken Cockburn & Alec Finlay ; Rod Mengham, poète et professeur de littérature anglaise à Cambridge…)
Les Citadelles ont continué à nous faire connaître un poète déjà présenté en 2009 et en 2011, Derek Mahon, irlandais né en 1941, auteur d’une œuvre saluée par de nombreux prix littéraires. En 2012, la revue a reproduit un poème de Dereck Mahon intitulé « Autobiographies », composé de vingt strophes de six vers, traduits en français par Jacques Chuto, professeur honoraire de langue et littérature anglaises à l’université Paris 12. Citons à titre d’exemple une partie de la dernière strophe évoquant le souvenir d’un vélo :
« But its wheels still sing
“In the memory, stars that turn
“About an eternal center,
“The bright spokes glittering.”
(Mais ses roues chantent toujours
Dans ma mémoire, étoiles qui tournoient
Tout autour d’un centre éternel,
Et leurs rayons étincellent sans fin.)

Autre poète irlandais, John Montague, auquel la revue a consacré en 2007 un recueil à part, réunissant les textes de lui qu’elle a publiés de 2002 à 2007. Dans le numéro 13 (2008), John Montague a évoqué en quelques poèmes son ami Samuel Beckett. Dans le numéro 14, à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire, il a confié à la revue deux inédits, auxquels s’est ajouté un poème que Derek Mahon lui a dédié. Présent en 2011 par des textes que Philippe Démeron a traduits avec son concours, John Montague a été encore présent en 2012 avec trois poèmes dont « Silences » où l’on peut lire, au sujet de la poésie :
“It is a prayer before an unknown altar,
“A spell to bless the silence”.
(C’est une prière devant un autel inconnu,
Un charme pour bénir le silence).

Le numéro de 2012 a présenté aussi des textes de Stefania Asimakopoulou (Grèce) ; Ferruccio Brugnaro (Italie); William Cliff (Belgique) ; Mauricio Hernandez (Mexique) ; Eliana Deborah Langiu (Italie) ; José Lezama Lima (Cuba) ; Pedro Sin Cerebro (Mexique) ; Arnaldo Zambardi (Italie)…

Dans la partie « magazine » de ce numéro, Dominique Thiébaut Lemaire a analysé l’œuvre poétique du Suédois Tomas Tranströmer, prix Nobel 2011. Sous le titre « Illustration du vers et de la rime » (voir à ce sujet l’article de Libres Feuillets: « Obsolescence de la rime et du vers ? « , publié le 29 mai 2012), il a livré un ensemble de réflexions ayant pour thème commun la question de l’usure réelle ou supposée des formes poétiques dans le temps.

Parmi les illustrations, une belle gravure expressionniste de Sergio Birga, datant de 1973, est à signaler, sur les rapports entre le monde ancien (figuré par la Fonte San Paolo au premier plan), et le monde moderne représenté par une grue à l’arrière-plan.

Pour conclure ces quelques commentaires sur le numéro de 2012, voici deux extraits de poèmes ayant pour auteurs Philippe Démeron et Roger Lecomte.

 « L’esprit du vent joue près de la fenêtre
Voulant embrasser les rideaux
Ou débusquant des jalousies
Bien accrochées au fond du cœur »
(Philippe Démeron, « Les quatre esprits », première strophe, fondée sur le double sens des mots « embrasse » et « jalousie »).

« Je me souviens d’avoir porté, tout enfant, des barboteuses – culottes bouffantes rappelant un peu les hauts-de-chausses du temps de Charles IX – et bien plus tard, des pantalons de golf…
Je me souviens aussi d’un long monologue de Georges Pérec pendant lequel le comédien Sami Frey égrène ses souvenirs, juché tout au long de la pièce sur une bicyclette… »
(Roger Lecomte, début et fin d’un poème anaphorique commençant vingt-huit fois par « Je me souviens », et intitulé « Brèves de mémoire in memoriam Georges Pérec »).

Le numéro dix-huit (2013)

Dans la partie intitulée « Cahier de diverses langues », on trouve des poèmes écrits par des auteurs originaires de pays tels que l’Autriche, la Colombie, la Grèce, l’Italie, le Mexique, la Suède…

 Parmi les langues et auteurs de ce Cahier, on peut noter les textes en yiddish de Yankev Fridman (1910-1972), traduits par Henri Lewi. Comme Les Citadelles présentent au lecteur les textes en langue originale en regard de leur traduction, nous entrons plus avant dans ces poèmes dont la langue est assez proche de l’allemand.

Quelques auteurs sont mis à l’honneur: Luigi Celi (Dialogue poétique avec T.S. Eliot), Marcel Riera (L’Irlande en Catalogne)… Ce dernier fait entendre des accents irlandais dans une langue catalane que Philippe Démeron s’est donné – avec succès – le défi de traduire en français.

En ce qui concerne les auteurs de langue française, Les Citadelles de 2013 font une place particulière à Christophe Manon et à deux femmes: la franco-libanaise Vénus Khoury-Ghata (née en 1937), et Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859).

 La rubrique « Poètes pour nos jours » donne à lire comme à l’accoutumée une vingtaine de poètes français contemporains, dont un certain nombre contribuent de manière régulière à la revue. La rubrique « Brèves chroniques» présente les recueils publiés récemment par plusieurs d’entre eux.

En ce qui concerne les fondateurs de la revue, ce numéro a publié un poème de souvenir et de mélancolie, de Roger Lecomte,  sur les couleurs du thé (noir à la liqueur d’ambre, bleu de Formose, blanc aux notes fleuries…) et un poème plein de charme de Philippe Démeron sur les pieds de la femme aimée: « Tes doux pieds ceux qui t’accompagnent / L’expression te fait sourire… »

 La partie « Magazine » comporte deux textes, l’un d’Arnaldo Zambardi : Quelle poésie pour nos jours ?, l’autre de Dominique Thiébaut Lemaire : Poésie et recitatio, qui élargit au monde gréco-romain le tour d’horizon de ce numéro des Citadelles.

Les auteurs des « illustrations » sont en particulier Philippe Démeron, Mauricio Hernandez, et Sergio Birga dont on peut lire par ailleurs, sur Florence, dans le « Cahier de diverses langues », un poème de jeunesse en italien sur la crue de l’Arno dans la décennie 1960, qui rappelle la révolte expressionniste du peintre et graveur.

 Libres Feuillets.

 

Roger Lecomte, auteur de Mémoire d’asphalte, recueil de poèmes. Par Dominique Thiébaut Lemaire

Roger Lecomte, qui vit à Nice, est membre du comité de rédaction de la revue de poésie Les Citadelles, qu’il a fondée avec Philippe Démeron.

Cette revue comportait naguère une rubrique intitulée « Les poètes des Citadelles se présentent ». Il s’agissait de répondre aux questions suivantes : « énoncer une dizaine de mots qui évoquent pour chacun d’eux la poésie, citer leurs auteurs préférés, et leurs publications (outre quelques précisions biographiques, facultatives celles-là) ».
Roger Lecomte y a répondu ainsi dans Les Citadelles de 2002 : « né quelque part, comme dit Maxime Le Forestier, il habite des journées entières dans les orangers et il est poète intermittent… ; cofondateur des Citadelles / soleil, partance, musique, fugace, obscur, opalescent, océane, dériver, exorciser / Baudelaire, Musset, Verlaine, Apollinaire, Lorca, Milosz, Aragon / a publié Mémoire d’asphalte  (1984) aux Editions Le Pont de l’Epée/Guy Chambelland / paraît dans Sophia-Poésie, Le Nénuphar, Pan et Le Clatinos »

Auteur d’un autre recueil de poèmes (Chanson de l’iguane sur un réverbère, Editions Chemins de plume, 2005), il vient de faire paraître au deuxième trimestre 2013 une édition revue et augmentée de Mémoire d’asphalte (Editions Chemins de plume). Le dessin de couverture est de Jean-Michel Sananès.
Certains textes ont été remaniés, raccourcis surtout, et le recueil s’est enrichi de quinze poèmes datés de 2005 à 2013, précédemment publiés dans Les Citadelles, s’ajoutant aux trente neuf poèmes de 1984, qui se terminaient par celui qui a donné son titre au recueil.

Poésie de la mémoire

L’une des beautés de ce recueil est d’abord celle de la mémoire, renvoyant aux années 1968-1983 où se situent les poèmes de l’édition première, par exemple « Nuit de mai 68 » (Paysage à la manière de Giorgio de Chirico) ; « Flûte indienne » ; « Une femme rêvée » (in memoriam Delphine Seyrig) ; « La Chambre verte » (à François Truffaut) ; « Irish coffee » ; « Vivre sa vie », écrit en pensant à Godard ; « Voyez: la solitude… » (d’après un film de Jean-Pierre Melville) ; « Ville interdite » et « Mémoire d’asphalte », avec des citations de Marguerite Duras en exergue… Dans le souvenir qui nous est ainsi livré de cette époque, le cinéma et la littérature tiennent une place non négligeable.
Des années 1960-1970 date aussi l’œuvre de Georges Pérec, dont il est question dans un poème de décembre 2011 intitulé «Brèves de mémoire (in memoriam Georges Pérec) », poème anaphorique, commençant vingt-huit fois par « Je me souviens », et dont la dernière strophe débute ainsi:
« Je me souviens aussi d’un long monologue de Georges Pérec pendant lequel le comédien Sami Frey égrène ses souvenirs, juché tout au long de la pièce sur une bicyclette… »

En général, les poèmes publiés à partir de 2000 ont d’autres références que ceux la période 1968-1983. Ils remontent parfois à des époques plus lointaines, comme dans plusieurs strophes des « Brèves de mémoire ».
Le beau poème hivernal de décembre 2005 intitulé «  »Mister Snow » (Mister Snow, ou mystère de la neige ?) s’inspire du « tableau de Hundertwasser », précise le poète.
« Les Assis » de janvier 2006 ont été écrits « d’après People in the sun », d’Edward Hopper. Et en exergue de son poème « Elémentaires précautions » de mai 2008, l’auteur a placé une formule d’Henri Michaux: « Ne désespérez pas. Laissez infuser. »

Les souvenirs les plus forts sont souvent ceux qui sont contenus dans de petites choses, de petits plaisirs, de petites modes parfois démodées. La force de la mémoire est d’enclore un monde profond dans des réalités apparemment insignifiantes, par exemple chez Roger Lecomte le son de la flûte indienne, le goût de l’irish coffee, la cérémonie du thé…
« Le Yang et le yin » nous parle des couleurs du thé (noir à la liqueur d’ambre, bleu de Formose, blanc aux notes fleuries »), qui sont aussi des couleurs de sentiments évoqués discrètement: « Maintenant que tu as déserté ma vie, ne reste que le divin breuvage » (pages 79-80 de Mémoires d’asphalte 2013).

L’humour, l’amour des mots, le chant des mots

Pour caractériser le ton de Roger Lecomte, je me limiterai à ces trois thèmes, qui n’épuisent pas la richesse de cette poésie.

L’humour est présent dès les poèmes anciens de Mémoire d’asphalte:
Ces grandes jeunes filles lisses
Aux guitares cœur de planche
S’en sont allées frémir pour d’autres
Sous la caresse de Juillet…
(« Ces grandes jeunes filles… », février 1975, page 36)
Les jeunes filles en question réapparaissent dans « Elémentaires précautions » de mai 2008:
« Jadis on adulait des jeunes filles aux guitares cœur de planche qui depuis se sont perdus dans des rébus existentiels… »

Il semble que l’humour de cette poésie se développe au fil des années, souvent sous une forme mélancolique, parfois d’une manière un peu grinçante (« on nous ogéaime », dans « Doléances », septembre 2008) ou ironique:
« Je me souviens avoir porté, tout enfant, des barboteuses – culottes bouffantes rappelant un peu les hauts-de-chausses du temps de Charles IX – et bien plus tard, des pantalons de golf… » (première strophe de « Brèves de mémoire »)

En ce qui concerne l’amour des mots, les jeux de sonorités et de sens sont à la fois nuancés, justes et frappants. Parmi les titres, on note « Volubilis volubile… » (pages 28-29), « Soliloque insomniaque » (page 30). Le texte de « Carte postale » (septembre 1973) est fondé sur la rime intérieure portuaire-mortuaire. « Et le temps délétère décolore nos yeux », dans « Crossing the Channel », de février 2010. « Peur de riens » de décembre 2006 joue avec subtilité sur l’équivalence sémantique apparemment paradoxale des expressions « peur de riens » et « peur de tout ».

De même que l’humour, il semble que le « chant des mots » prenne de l’ampleur dans les poèmes les plus récents, par des moyens souvent classiques, mais sans « chevilles » de remplissage.
« Peur de riens » (pages 74-75 du recueil) est écrit en vers rythmés et chantants de six syllabes.
« Chanson du chevalier » (juillet 2008, pages 60-61), dans ses deux premières strophes, reprises à la fin, évoque la « musique intérieure » en alexandrins et demi-alexandrins (hexasyllabes) sans que le poète ait peur de les utiliser, manifestant ainsi un courage poétique qui sied au chevalier veillant sur les remparts de sa citadelle (et de sa revue Les Citadelles ?):

Chevalier solitaire armé d’indifférence,
mets ton ombre lunaire aux abonnés absents,
essaie de traverser au mieux les apparences.

N’écoute que ton chant, ta musique intérieure,
rejoins ta citadelle,
veille sur ses remparts.

Pour clore cette présentation, citons encore quatre vers harmonieux et lamartiniens du « lac des signes », 2010-2011 (pages 67-68 du recueil) – avec une belle « rime à l’envers » (paronomase): les estivants s’esquivent – dont on sent qu’ils ont été écrits par un habitant de la Côte d’Azur, même s’il s’agit du lac d’Annecy:

Les estivants s’esquivent.
Amarrées pour longtemps, les barques se déhanchent
Au gré du clapotis, en équilibre instable
Comme souvent nos vies.

***

Dominique Thiébaut Lemaire

La revue de poésie Les Citadelles numéro seize (2011)

Voir pour plus d’informations sur la revue et sur ses numéros récents l’article de Libres Feuillets sur Les Citadelles numéro dix-neuf (2014).

En 2011 est paru le numéro seize, dont le sommaire suit le plan habituel de la revue:
– Derek Mahon: Au-delà de Howth Head. Traduction commentée de  Jacques Chuto
– Poètes pour nos jours
– D’Europe/D’Amérique latine
– Magazine
– Brèves chroniques
Les illustrations sont de : Sergio Birga (peintre et graveur), Eliane Bohnert-Démeron, Jean-Paul Gavard-Perret, Leïla Navaï.

En 2008, le treizième numéro nous avait présenté les jeunes poètes turinois (Tiziano Fratus, Valentina Diana, Luca Ragagnin, Francesca Tini Brunozzi, Eliana Deborah Langiu) regroupés autour des éditions Torino Poesia.
En 2009, le poète à l’honneur a été l’Irlandais Ciaran (prononcer Kérenn) Carson, également romancier et traducteur de langue anglaise, dont la revue nous a permis d’apprécier plusieurs traductions de Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé.
En 2010 figurent en premières pages la Catalane Marta Pessarrodona et l’Argentine Cristina Castello.
En 2011, Les Citadelles nous ont fait connaître avec plus d’ampleur un poète déjà évoqué en 2009, Derek Mahon, irlandais né en 1941, auteur d’une œuvre saluée par de nombreux prix littéraires. L’introduction est de Jacques Chuto, professeur honoraire de langue et littérature anglaises à l’université de Paris-12, qui a traduit Au-delà de Howth Head, poème foisonnant de 21 huitains (présenté en version bilingue : à noter les rimes en anglais).

Remarquons l’intérêt marqué -et justifié- de la revue pour les poètes irlandais : Ciaran Carson, Derek Mahon, mais aussi John Montague, l’un des plus connus, auquel la revue a consacré en 2007 un recueil à part réunissant les textes de lui qu’elle a publiés de 2002 à 2007. Dans le numéro 13 (2008), John Montague a évoqué en quelques poèmes son ami Samuel Beckett. Dans le numéro 14, à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire, il a confié à la revue deux inédits, auxquels s’ajoute un poème que Derek Mahon lui a dédié. Il a été de nouveau présent en 2011 dans le numéro 16, dans la rubrique « D’Europe/D’Amérique latine », avec des textes tirés de In my grandfather’s mansion (The Gallery Press, 2010), traduits par Philippe Démeron avec le concours de l’auteur.

La rubrique « Poètes pour nos jours », habituelle dans Les Citadelles, donne à lire des poètes français contemporains. Ils ont été 22 en 2011 : Claude-Marc Aubry, Véronique Bart, Patrice Blanc, Joëlle Bouchard-Pailler, André Chenet, François Coudray, Georges Cuffi, Robert Cuffi, Philippe Démeron, Jean-Pierre Farines, Jean-Paul Gavard-Perret, Denis Hamel, Joël Jacquet, Karin Janin, Armelle Leclercq, Roger Lecomte, Dominique Thiébaut Lemaire, Hervé Martin, Jean Pichet, Valence Rouzaud, Elisabeth Stockhausen, Philippe Vallet.
Nombre d’entre eux contribuent de manière régulière à la revue.

La rubrique « D’Europe/D’Amérique latine » a présenté en 2011 des textes de : Stefania Asimakopoulou (Grèce) ; Cristina Castello (Argentine); William Cliff (Belgique) ; Mauricio Hernandez (Mexique) ; Eliana Deborah Langiu (Italie) ; Rod Mengham (Angleterre), par ailleurs professeur de littérature anglaise à Cambridge; John Montague (Irlande) ; Edith Sommer (Autriche).
Plusieurs de ces poètes étaient déjà présents dans les numéros précédents.

Dans le « magazine » du numéro de 2011, de courts « manifestes » d’André Chenet (voir aussi son site internet Danger Poésie) et de Denis Hamel ont ébauché un échange sur le thème « poésie et révolution ».

Pour conclure cette présentation, voici quelques extraits de poèmes ayant pour auteur Philippe Démeron.

Visite sans y penser (Philippe Démeron, Les Citadelles, numéro 14)
Extrait d’un poème de sept vers

Puis il a choisi, une paire de vérité, peut-être deux.
Les lunettes lui allaient comme un gant ; il les a chaussées.
Au fond d’un miroir éteint, son visage défiait le temps.

Arc-en-ciel (Philippe Démeron, Les Citadelles, numéro 14)

Solidement posé sur ses jambes prismatiques
l’arc-en-ciel balaie mon ciel
lumière de flash, lumière de phares jaunes
embouteillage de ciel sur les toits agglutinés.
La fin de l’été, l’orageuse, nous quitte en agitant ses projecteurs !
Oh, refais-nous le coup des feux de la rampe !
Les feux de music-hall, les adieux, les bras tendus !

Mes nuits de Paris (Philippe Démeron, Les Citadelles, numéro 15)

Les fleurs dans Paris rient partout aux noctambules
mille roses sourient à mille amies ravies
les baigneuses de nuit s’essuient sur les parvis
le fleuve emmi Paris charrie des campanules

 

 

Dominique Thiébaut Lemaire